Confi-versaire

Confi-versaire

Un premier confiversaire, ça se fête ! Ça devient rare à mon âge les premières fois… quoique j’aurais souhaité ne pas connaitre celle-là mais c’était sans compter sans ce coquin pangolin qui en a décidé autrement. Et si c’était une pangoline ? Vous vous êtes posés la question ? Une pangoline qui me chanterait happy birthday to you, en chinois « zhù nî shēngrìkuàilè », avec sa mandoline. Un humour un peu particulier !
Ah ma pangoline, tu nous en as joué un sacré tour, un tour de confinée. Tu te cachais dans les fourrés des jasmins et des amandiers en fleurs de l’empire du milieu, mais tu as décidé que tu en avais assez de régaler les papilles des mandarins ou mandarines et favoriser la libido de ces messieurs avec ton bouillon d’écailles. Alors tu t’es fâchée pangoline, mais là tu vois, je trouve que tu y es allée beaucoup trop fort quand tu mets la vie en peril pour des gens qui ne t’ont jamais fait de mal, à toi, personnellement. Tu n’es pas juste.

Petite pangoline, toi qui semble avoir l’esprit facétieux et revanchard, tu dois t’amuser de voir ce souk que tu mets dans tous les pays qui se targuent d’être les plus développés et riches du monde. Les grands chefs de tribus cachés dans leurs palais dorés sont bien désorientés et la fumée de leurs signaux s’envole pour nous montrer leur ignorance et leur indignité. Certains qui se prennent pour des grands manitous n’hésitent pas même à proposer leurs remèdes étranges au pouvoir décapant tandis que d’autres plus discrets font mine d’être plus raisonnables, mais quoi qu’il en soit la finalité, par bêtise, par inconséquence ou par intérêt est la même, elle met en danger la population.

Alors je vais te dire pangoline, et je profite de ce jour un peu spécial pour moi, pour exprimer tout ce que tu provoques avec la pandémie que tu nous imposes. Au moins, tu le sauras et tu pourras peut-être le méditer.

Je ne crains pas que pour moi, je crains pour tout le « monde » et pour une fois ce mot reflète bien ce qu’il est. Je crains tout ce qui se passe dans le présent, je crains cet eugénisme que tu favorises par contre coup de l’épidémie,  je crains les mauvaises décisions qui sont ou vont être prises, je crains une sortie du confinement mal opérée, je crains une 2e vague d’épidémie, je crains pour nos enfants à qui on veut faire reprendre l’école trop vite. Parce qu’on explique mal, parce qu’il y a tant de propos contradictoires, parce que les moyens   pour lutter contre la maladie sont insuffisants dans les hôpitaux, parce que les masques, les tests, les médicaments manquent, et bref je crains pour tout ce qui nous entoure.

On nous a confiné. Une routine s’est mise en place, des journées à la maison sans sortir, juste les courses aussi rarement que possible. L’aventure pour aller chercher de quoi se nourrir, se faire plaisir, pour cuisiner des plats qui nous feraient plaisir, parce que cuisiner et manger deviennent des moments familiaux stabilisants dans une période déstabilisée. Et la conscience que j’ai la chance de ne pas être seule, que je suis dans une situation confortable, en bonne santé et chez moi, avec peut-être au bout du compte comme un sentiment de culpabilité de ce confort alors que d’autres vivent des moments très durs pour de multiples raisons.

S’organiser alors qu’autour de soi tout est désorganisé.  Faire fi de ces années de toute une vie où on ne se pose pas la question de circuler quand on en a l’occasion, de partir aller voir ses amis, de faire des projets de week-end, de vacances. Alors, bon gré mal gré, on accepte de ne plus pouvoir recevoir sa famille, ses amis, on invente des aperos Skype pour couper la solitude, pour annihiler la distance. On salue les voisins de loin, on ne bise plus, on ne touche plus, on garde les virus pour nous, on évite ceux des autres.

Parce qu’au dessus de nous il y a cette chose invisible qui nous étouffe et ôte le contrôle de nos vies. Immatérielle et cependant si matérielle dans ses conséquences. Elle nous impose le questionnement, nous fait réagir sur l’inconscience habituelle de notre vie, de l’organisation de la société, de la puérilité de nos problèmes, en général.

Ce petit truc qui nous entoure, aux aguets pour venir mettre en péril notre propre existence, cette menace permanente, nous impose une réflexion sur le sens que nous avons donné à notre vie, et celle qu’éventuellement nous donnerons après. Car tout nous interroge sur la vie, sur la nôtre et celle autour de nous. Sans bombardements, sans armée d’occupation, sans combats virils, tout est insidieux, tout nous ramène à longueur de journée à nous mêmes, et notre passage sur terre. C’est en soi très dur à réaliser et supporter, une psychanalyse imposée par les circonstances qui nous ramène à nos fondamentaux.

Nos gouvernants en sont-ils conscients ? Sont-ils rassurants lorsque leurs décisions ne sont pas claires et mal expliquées, voire pas expliquées du tout ? Sont ils raisonnables lorsque des impératifs économiques pas très nets viennent prendre le pas sur l’impérieuse nécessité de protéger la vie des gens ? Par leur manque d’humanité, par leurs propos contradictoires, par les énormes erreurs commises, n’ajoutent-ils pas une angoissante insécurité dans l’esprit de tous ?
Et qu’on ne parle pas de protéger l’économie, je crois que de toutes façons, tout est chamboulé. Qu’on parle de protéger la vie, c’est actuellement le seul impératif.

Je ne sais ce qu’ils en sortira de cette aventure. Sans doute une autre manière d’appréhender nos vies collectives et individuelles et je me doute que chacun aura changé quelque chose dans sa manière de penser. Il y avait un avant, et le futur ne pourra être que différent.

Ainsi petite pangoline, tu nous as joué une drôle de blague.

Et je vais être cash avec toi : aujourd’hui j’ai 71 ans et jamais, jamais jusque-là dans ma vie je n’ai eu à coudre des espèces de masques pour aller faire mes courses, jamais je n’ai dû me cloîtrer, jamais je n’ai dû remplir un papier pour justifier de mon déplacement, jamais je n’ai ressenti cette angoisse pour les autres et pour l’avenir, jamais je n’ai pu ne pas me déplacer pour aller voir les gens que j’aime, jamais je n’ai du me retenir de prendre dans mes bras ma famille, mes amis. Et tout ça c’est à toi que je le dois.

Alors, ne te méprends pas, je ne t’en veux pas à toi personnellement petite pangoline, tu n’es que la métaphore d’un monde qui nous prouve qu’il n’en peut plus. J’en veux à un système où une poignée d’indignes personnages s’accaparent les richesses collectives de notre planète qui appartient à tous, j’en veux aux dirigeants des pays qui permettent cette situation et mettent en place des politiques d’inégalité et de spoliation de nos droits, j’en veux à tous ceux qui continuent à meurtrir  notre planète, j’en veux à tous ceux qui votent sans réfléchir, j’en veux aux chasseurs, aux profiteurs, aux inconscients, aux manipulateurs…

J’aimerais qu’on laisse plus de place aux artistes qui embellissent notre vie, aux poètes qui nous font rêver, à tous les gentils qui font attention aux autres, ceux qui chantent, dansent, dessinent, peignent, écrivent, donnent de leur temps et de leur énergie pour rendre notre monde plus beau, mieux partagé, plus agréable pour tous, et plus accueillant.

On va se donner rendez vous pour l’année prochaine avec plein d’espoir.
Je vous fais des bisous à tous, de loin il n’y a aucun risque.

image : ©Sanaga, https://reporterre.net/Le-Covid-19-vu-par-les-dessinateurs

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